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De la brique à l’isolant

Les façades en matériaux naturels et durables peuvent améliorer le bilan énergétique d’une maison et contribuer à l’équilibre du climat ambiant. Voici l’exemple des briques thermo-isolantes, une solution innovante.

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Les briques retiennent la chaleur. Ralf Müller se tient sur le four de plusieurs dizaines de mètres de long de la briqueterie Kubrix, à Schlatt (TG), et montre ses pieds. «Là-dessous, la température atteint 1000 degrés», déclare le responsable adjoint des ventes du fabricant suisse de briques. Une palette de briques modulaires traditionnelles traverse actuellement le four.

Kubrix fabrique aussi des pierres de façade inédites. Ralf Müller pointe notamment une grande pierre de construction filigrane stockée dans l’entrepôt situé devant la briqueterie. Les arêtes qui séparent les nombreuses petites cavités sont plus minces et suivent un motif sophistiqué. «Cela améliore l’isolation thermique», précise-t-il. En raison de ces ramifications, la chaleur et le froid ne traversent que lentement la brique.

La brique thermo-isolante remplace l’isolation à base de plastique, que nous retrouvons sur près de 8 façades sur 10.
Ralf Müller, briqueterie Kubrix

Ces briques thermo-isolantes peuvent être utilisées seules pour former une maçonnerie simple paroi, ou bien associées à une paroi en brique traditionnelle. Avec d’autres partenaires, la Haute école spécialisée de Lucerne (HSLU) et Kubrix ont développé cette solution de façade, baptisée KISmur, qui est déjà utilisée dans quelques projets de construction. Ralf Müller nous en présente le fonctionnement sur une façade d’essai de la briqueterie: la paroi intérieure du mur est composée de briques traditionnelles et forme la structure porteuse du bâtiment. L’enveloppe isolante extérieure est faite de briques thermo-isolantes souples, sur laquelle un enduit minéral est appliqué.

«La brique thermo-isolante remplace l’isolation à base de plastique, que nous retrouvons sur près de 8 façades sur 10», ajoute Ralf Müller. Selon lui, l’isolation à base de plastique a plusieurs inconvénients. Sa durée de vie est relativement courte: environ 30 ans. Elle est en outre difficilement réutilisable, notamment parce qu’elle contient souvent des pesticides ou des agents ignifuges.

À l’inverse, KISmur inclut à la fois des briques traditionnelles et des briques thermo-isolantes exclusivement composées de matières minérales, principalement d’argile. Afin d’en alléger la structure, de la sciure de bois et un sous-produit de la fabrication de papier sont ajoutés à la brique. «Elle est ininflammable et durable», affirme Ralf Müller. Le processus de cuisson requiert toutefois beaucoup d’énergie. Cette brique a une durée de vie de 90 ans ou plus au lieu de 30 ans, tout comme le mur porteur, ce qui améliore son bilan de durabilité, d’après les calculs du fabricant et de la HSLU.

En plus d’isoler, cette solution de façade présente une grande capacité de stockage de la chaleur. «Cela aide à stabiliser le climat ambiant, aussi bien en hiver qu’en été», déclare Marvin King, professeur et responsable d’équipes de recherche à l’Institut de technique du bâtiment et d’énergie de la HSLU. Il a participé au développement de KISmur.

Lukas Grossert, membre de la direction du bureau d’architectes Dahinden Heim Partner Architekten AG à Winterthour, souligne également cet avantage. «KISmur est une alternative intéressante aux façades enduites pour des constructions de haute qualité.» Les propriétés des matériaux régulent naturellement l’humidité, assurant un climat ambiant agréable.

Lukas Grossert privilégie KISmur pour les petits immeubles, et plutôt dans un segment haut de gamme. En effet, la fabrication de cette solution est un peu plus onéreuse qu’une isolation à base de plastique. Selon les calculs de la HSLU, les coûts sur la durée de vie sont toutefois largement inférieurs en raison des rénovations beaucoup plus tardives des façades et des enduits.

Une solution de niche

Cependant, KISmur ne s’est pas encore imposé à plus grande échelle. D’après Kubrix, plusieurs bureaux d’architectes l’ont déjà adopté, mais beaucoup d’utilisatrices et d’utilisateurs potentiels n’en connaissent pas encore l’existence. Selon Marvin King, la dimension de ces murs double paroi pourrait l’expliquer. «Dans le cas d’une maison individuelle, KISmur peut parfois sembler surdimensionné et créer des réticences.»

Dans le cadre d’un projet de recherche d’Innosuisse, il travaille actuellement sur le développement de cette solution pour les rénovations de bâtiments. «Pour l’isolation extérieure, nous avons mis au point une brique extérieure un peu plus fine, de 30 centimètres d’épaisseur.» Cela correspond davantage aux bâtiments existants tout en continuant à respecter les exigences énergétiques. Toujours d’après Marvin King, dans le cas des rénovations, les simulations et les constructions tests montrent que la brique, associée à un enduit minéral approprié, présente aussi de bonnes propriétés physiques.

Selon Marco Röthlisberger, responsable technique de l’association Enveloppe des bâtiments Suisse, les façades ont considérablement évolué ces dernières années. Devenues plus strictes, les exigences énergétiques ont mené à la construction de façades bien plus épaisses. «Les structures porteuses doivent donc être adaptées et développées à leur tour.» À l’origine, l’association professionnelle se concentre sur les façades suspendues ventilées. L’enveloppe extérieure est ici séparée de la structure porteuse et de l’isolation par un espace de ventilation, à l’inverse des solutions monolithiques comme KISmur, pour lesquelles l’isolation et l’enveloppe sont directement fixées sur le mur porteur. «Il existe des solutions très robustes et durables, qui nécessitent peu d’entretien et peuvent être séparées et démontées par type.» L’espace de ventilation est également parfaitement adapté au montage de modules photovoltaïques. «À l’avenir, les modules installés sur les façades seront beaucoup plus courants. Des modules colorés à l’impact toujours plus élevé séduiront de plus en plus.»

 Autres solutions de façade innovantes

  • L’ETH Zurich dispose d’un laboratoire unique au monde, avec soleil artificiel. Des façades innovantes peuvent y être testées dans des conditions proches du réel: l’installation permet de simuler exactement la position du soleil, le rayonnement, la température et l’humidité. Les chercheurs développent de nouvelles solutions comme des façades semi-transparentes à l’aide de polymères imprimés en 3D qui laissent passer ou bloquent la lumière selon l’angle d’incidence.

  • La façade 3D.Solar de l’entreprise Energy Independence AG constitue une autre approche. En hiver, elle laisse passer la lumière et réchauffe la paroi intérieure tandis qu’en été, des lamelles de béton imprimées 3D créent de l’ombre et rafraîchissent la pièce.

  • Avec Keller Unternehmungen, la Haute école spécialisée de Lucerne (HSLU) a mis au point des outils modulaires permettant une conception individuelle de la surface des briques, tout en les produisant en série. Des briques aux reliefs et surfaces spéciaux sont disponibles sous le nom «kelesto Signa».

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